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25 janvier 2010

Il fait froid au paradis (2)

J’ai passé ce que l’on appelle communément une « soirée de rêve ». Le genre de soirée conforme à celle que vous avez soigneusement façonnée et mise en scène dans votre petit studio de production intérieur.

Il m’attend, ponctuel, exactement à l’endroit spécifié, coordonnées longitude latitude parfaitement respectées. A l’extérieur : une de mes « instructions » liée à mon angoisse de chercher une personne parmi les tables et déambuler sous les regards (un vestige de plus de mes années cantine où j’errais pataude pour trouver un coin de table où poser mon plateau du self, redoutant d’être dévisagée et jugée par la masse déjà assise). Un effort appréciable pour ce grand frileux emmitouflé dans un bonnet de laine qui renforce son air (charmant) d’étudiant, le col de son blouson en cuir gris relevé sur son menton.

Il m’attend sagement, candidement, sourire flottant, comme un petit garçon attend sa mère devant le portail de l’école. Je ne sais pas pourquoi je suis toujours très curieuse de l’enfance, de l’adolescence des gens que j’aime ; il devait être un enfant doux et rêveur, du genre à se laisser distraire par un nuage par la fenêtre ou les nattes de sa voisine, pas celui à lancer des cailloux mais sans doute à soulever les jupes des filles… Quand je lui dis que j’aurais aimé le connaître à l’école, il me répond « oui, on aurait fait des trucs cochons dans les toilettes ». Le genre de phrase qu’il lance en toute décontraction, qui me fait écarquiller les yeux, m'amuse, me flatte... J’aurais été fière d’être une de ses conquêtes, moi qui me cachais dans les toilettes non pour flirter mais pour passer les récrés à l’abri des regards.

Je l’ai vu, il m’a vue. Tout s’est-il joué à cet instant ? Je ne crois pas mais il n’y a pas eu d’ondes sismiques, d’encéphalogramme en chamade, d’emballement, de basculement... Quelque chose de l’ordre du soulagement, d’une obligation, d’une mission remplie. Et en même temps un bien-être immédiat, une proximité intacte.

La suite ressemble à toutes les suites, à trop de rendez-vous, d’attablement, de verres, de tasses, de liquides transparent, grenat ou ambré qui glissent dans les gorges et tentent de créer des étincelles, d’allumer deux, trois étoiles.

Deux grands enfants économiquement supérieurs qui ne savent pas ce qu’ils veulent, l’un qui planque son cœur derrière un rempart (fissuré) de cynisme et l’autre qui tente désespérément de désirer... L’un tout feu tout flammes, braise vivante dansante, et l’autre triste bout de bois sec qui ne se consume pas.

Que se passait-il entre nos phrases, boutades, grandes théories sur la vie… ?
Quelle était la part du forcé, du conditionnement et de la vérité ? La frontière est parfois ténue.
Quels étaient les impressions, les sentiments qui se tissaient, serpentaient en nous presque à notre insu ? Même avec le recul, j'ai du mal à les discerner...

Je regarde son visage intensément, après avoir si longtemps caressé un souvenir de ses traits, d’une allure, peu à peu gommés jusqu’au stade de croquis. Le calque de ma mémoire ne coïncide pas exactement avec le dessin de la réalité. Les yeux n’ont plus leur éclat chocolat et une ligne un peu avachie, la bouche moins gourmande, le nez plus prononcé, les cheveux plus ternes… Mais toujours ce charme adulescent, cette spontanéité désarmante, malicieuse, sa façon de commander nos verres avec une légère emphase, de m’appeler par mon diminutif, de se rapprocher dangereusement dans cette petite topographie de table de café. Je remarque aussi le triangle de peau pâle ombrée de poils qui se détache sous son pull col V. Cette marque de virilité qui me rappelle qu’un corps d’homme habite sous son visage fin.

Je me demande si je pourrais l’embrasser, ressentir l’envie, respirer et caresser sa peau, ses cheveux, me blottir. Sans parvenir à répondre à cette éternelle question...
Ses yeux dardent aussi mon visage, mes cheveux (qu’il a envie de saisir), ma bouche (dont il se demande –à voix haute- si elle embrasse aussi bien qu’elle est appétissante). Il aime quand j’encadre mes joues dans la coupe de mes mains ou que j’incline un peu la tête, photographiant mentalement et commentant la moindre de mes attitudes. Il cherche aussi à deviner les reliefs de mon corps, curiosité que je n’ai pas. « Je veux te voir nue » me supplie-t-il subitement avec une ferveur innocente.
Alors que je me plains gentiment du laconisme de ses e-mails, il me rétorque « Tu n’as qu’à m’envoyer des messages passionnés et je serai plus prolixe ».

Enfant incandescent, impatient, pressant, son souffle dans mon cou, ses lèvres qui se posent sur mon verre « pour goûter », suce ma paille en me fixant langoureusement, me laissant dans une totale stupeur face à cette incursion salivaire, mon dégoût habituel de partager le goulot d’une bouteille commune, mes règles d’hygiène héritées d’un père maniaque... J’aime qu’il soit entreprenant, son assurance, son savoir et savoir-faire des gestes pour abolir les distances entre deux corps.

Je me laisse absorber, happer par le halo chaud de son désir, l’emprise voluptueuse de sa cour empressée, rassérénée sur mon pouvoir de séduction, d’attraction. Ce sceptre qu’il me tend, dressant sous mes pieds un écrin capitonné, suspendu à toutes mes volontés. « Je suis belle, il me trouve belle », ce besoin féminin, primitif et criant, rassasié, comblé.

(suite à venir...)

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Commentaires
D
Si une femme prend une surdose de Viagre ca lui provoque des crampes aux doigts ! si si ! (c'est pour cela que tu n'arrivais pas à écrire !)<br /> <br /> ;-)
N
Je suis heureuse d'apprendre que tu as survécu à ta tentative d'overdose au viagra! J'espère que tu te remets peu à peu de ce qui s'est révélé être manifestement une déception. C'est bien dommage mais bon, ne désespère pas, il y a des gens qui partagent ton "anomalie". La question est cependant de savoir s'il s'agit uniquement de femmes... Dans tous les cas, bon courage pour la suite et au plaisir de te lire à nouveau!
S
bon comme mon suicide au viagra n'a pas marché, je continue à écrire la suite (et fin !) de ce rendez-vous, il faut quand même terminer ce qui a été commencé... :-)<br /> à bientôt !
G
Ah non hein, pas de blague !<br /> Grmblf.<br /> <br /> Allez, détends toi, pense à rien et jette les mots.<br /> Prends soin de toi.
S
Au risque de me répéter ...<br /> si cet homme te tourneboule la tête dans un si mauvais sens que tu as des pensées négatives, voire de destruction, c'est qu'il n'est pas fait pour toi ! Et tu ne dois pas te leurrer en t'attachant à quelques détails de son visage ou quelques unes de ses paroles.<br /> Je ne sais pas ce qui a transformé ce rendez-vous, qui "démarrait" bien, en tant de pensées noires, mais une chose est certaine, son influence qui semblait positive est devenue négative. Et ça, ce n'est pas bon.<br /> Pour voir de la couleur, va te promener sur mon blog, il y en a plein, même quand mes images sont en N&B !! ,-)
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