« Love is a process, not an event » (1)
Retour, seule, dans mon appartement, ma chambre, le lit encore jonché de toutes les robes, collants, pulls essayés et rejetés pour ce grand évènement, ce sommet, qui n’en a pas été un…
La tentation pascalienne qui me reprend : m’enfermer, m’emmurer dans ce logis, mon univers, mon refuge, protégée, à l’abri. Une sensation de vide et de trop-plein à la fois. La déception du désir encore une fois déserteur, la culpabilité de l’avoir déçu, frustré. La non-conformité au schéma, au modèle, au dénouement attendu. L’évidence qui se refuse encore une fois à moi et me laisse désemparée, désorientée. Ce n’est pas la tristesse, juste un immense point d’interrogation et quelques points de suspension. Blank.
Que penser, que décider ? De longues journées, soirées m’attendent pour déplier toutes ces impressions enchevêtrées, agglutinées les unes aux autres, ranger, classer et analyser tout ce fouillis de mots, rires, silences, images de lui… Tous ses remous, creux et vagues qu’il a imprimés en moi et que je n’arrive pas à interpréter, à comprendre. Tout ce neuf, ce nouveau que je vais user jusqu'au dernier grain, au tamis de ma mémoire.
Sortir avec délectation de mon doggy bag tous ces mets que j’ai soigneusement emballés et les étudier… jusqu’à ce qu’une réponse émerge.
Il n’y a pas eu de révélation, de confirmation, seulement d’autres questions qui sont venues s’ajouter aux précédentes. Ma curiosité est toujours intacte et peut être encore avivée. J’ai envie de le connaître encore et toujours davantage, l'apprivoiser, m'approprier son être. Il m’intéresse. M’étonne. Me captive peut-être. Me touche indéniablement. Mais il doit encore me nourrir, m’irriguer…, me fournir les combustibles indispensables.
C’est aussi une profonde sensation d’apaisement, de sérénité que je n’avais pas éprouvé depuis bien longtemps : quelqu’un existe pour moi dans la vaste ville froide et hostile. Quelqu’un qui pourrait presque faire partie de ma vie. Quelqu’un qui s’est suffisamment avancé, attardé pour que je puisse revendiquer un « droit » sur lui, ou au moins une légitimité même fragile. Je sais qu’il répondra à mon appel aussi fort répugne-t-il à reconnaître le moindre engagement, le moindre lien. Je sais qu’il pensera à moi, que j’ai ancré quelque chose en lui, à son corps défendant…
Et pourtant violente envie de retrouver mon univers, mon intérieur, mes repères, et non pas de le suivre, le retenir… Pourquoi ? Sans doute déstabilisée par son ardeur subite après des mois d’indifférence, sa gentillesse, son désir brûlant… Trop. Une lumière aveuglante après ces ténèbres si coutumières.
Son invitation trop rapide à se revoir dés le surlendemain pour un cinéma…
Ces rendez-vous galants auxquels j’aspirais tant, que je jalousais dans les rues bruissantes d’appels et de messages de couples se rejoignant. Il fait cet effort du rituel, de la parade de séduction, des préliminaires courtois. Contre toute attente... Je me sens décontenancée de ce revirement si soudain, inconnu de mon "expérience" amoureuse.
Il me semble si malléable, à ma disposition. Etrange sensation de pouvoir sur lui, vulnérable et transi… Il m’attendrit… mais perd en force d’attraction.
J’ai besoin de laisser passer des franges de temps, mettre un peu de distance ; non pas une distance qui éloigne mais au contraire rapproche, celle qui laisse le manque, l’envie revenir, s’aiguiser. Pouvoir l'aduler de nouveau, être sous son emprise plutôt que lui sous la mienne...
Je sais le risque que cela représente mais ne peux agir autrement, je ne peux pas me contraindre. Jamais…
(suite à venir…)