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30 mars 2008

Mon "quart d’heure de gloire"

Quand le temps a fini par m’arracher la robe insouciante de l’enfance pour m’offrir celle tant attendue de la féminité, je me suis sentie étrangement « déguisée ».

J’ai toujours aimé me déguiser. Jouer à être une femme, on dirait que…
Alors au début c’était magique. Magique au sens littéral. La sensation d’avoir hérité d’un nouveau  (super)pouvoir. Celui de faire retourner les dos, les nuques des hommes dans la rue, celui de les figer, les liquéfier sur place, celui de les rendre dociles, prévenants, celui de devenir enfin une fille populaire, la « pom-pom girl », la « reine de beauté », la « ravissante idiote », celui d’être invitée au café, de ne plus être "la copine de"… mais quelqu’un à part entière, quelqu’un qu’on « repérait » dans la cour, sous le préau, quelqu’un dont on demandait le nom, la c lasse…, à qui on faisait suivre des petits mots quadrillés pliés en petits paquets compacts (les SMS et les MSN n'existaient pas encore à l'époque !)…

Le terrible et enivrant pouvoir de plaire. Instantanément, sans avoir rien à prouver, sans effort.

J'avais l'impression de m'être transformée en Jessica Rabbit (sans le décolleté !) ou en petit chaperon rouge de Tex Havery. Et cela m’amusait beaucoup. Je n'étais pas "moi", j'étais une héroïne, un personnage, une apparition. Tout cela était bien un jeu pas vrai ?
Alors j’en rajoutais ou plutôt je raccourcissais… les jupes, les tee-shirts, les pulls.
Court et moulant : c’était la règle. Quitte à frissonner les matins d'hiver en attendant le bus, à récolter angines et fièvres assassines.
Il fallait qu’on voit, qu’on me voit enfin. Etre regardée, après avoir tant regardé. Quelqu'un a dit : 'Les femmes ne vous regardent pas, elles vous regardent les regarder." C'était bien en tout cas tout ce qui m'intéressait.
Considérée, enviée, admirée surtout. Je guettais les regards éblouis, quêtais les compliments comme une mendiante, comme une droguée attend sa dose, son shoot de la journée.
Alors que les premières (et soudaines) marques d’attentions m’avaient stupéfaite un matin d’été sur le chemin de la boulangerie, je suis rapidement devenue interloquée voire maladivement inquiète de ne pas attirer un regard, un sifflement ou un mot vantant les mérites de ma plastique. La normalité n’avait plus de sens dans mon monde narcissico-pathologique. Ces "compliments" ne me rendaient pourtant pas heureuse, ils me dégoutaient même, mais ils m’étaient paradoxalement vitaux. 

Les livres de ma table de chevet avaient désormais disparu et prenaient la poussière au grenier, remplacés par des revues clinquantes et multicolores où s’affichaient sur papier glacé des starlettes et des conseils pour faire briller sa chevelure, affiner sa taille, avoir une bouche pulpeuse… 

Il y avait parfois des chuchotements dans mon dos. Allumeuse. Provocante. Vulgaire… Pute.
Mais je ne comprenais pas, je refusais d’entendre. Je ne faisais rien de mal même si je sentais que cette pente m’entraînait vers des abîmes à la vacuité effrayante.

Si les premiers jours de cette métamorphose avaient pu m’enchanter, très vite je me suis sentie prisonnière d’une spirale, de cette image sans relief que j’étais devenue et qui m’asservissait. Je cherchais à ressembler à une représentation, à ce nouveau "statut" qui m'avait été accordé, avec l'angoisse permanente d'entendre un "En fait elle n'est pas si jolie que ça." Comme les actrices déçoivent forcément lorsqu'elles sortent de l'écran et qu'on les voit "en vrai". Je n'étais plus "vraie".
Comme Marilyn (dont j'affichais religieusement les posters et cartes postales sur les murs de ma chambre) cherchait à être toujours un peu plus blonde quand elle déprimait, je m’enfonçais dans cette impasse de l’apparence et de la séduction purement physique. Je me perdais, me trahissais chaque jour un peu plus dans une course vaine, où toutes les autres filles étaient mes rivales sur le podium du succès de la superficialité.
Je les jaugeais, évaluais minutieusement leur « potentiel » et tombais dans un profond désarroi paranoïaque si je décrétais qu’elle me « surpassait ». 

M’accrochant désespérément à ce petit trône fragile, cette illusion, je refusais d’admettre que mon soleil déclinait déjà, rattrapé par les désagréments des ébullitions hormonales. Ma période de grâce de Lolita aura été bien éphémère. A peine avais-je porté mes lèvres avides à cette coupe merveilleuse et dangereuse de la beauté juvénile, que l’on me retira brusquement son philtre diabolique pour me plonger la tête dans l’auge de l’adolescence ingrate…

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Commentaires
S
merci encore Dyad, ton optimisme fait plaisir à lire. "rien n'est impossible à vaincre" > oui je suis d'accord avec ça mais le pb c'est que je ne sais pas ce que je dois vaincre (à part moi !).<br /> bon désolée de plomber tt le temps l'ambiance...<br /> j'attaque l'avant-dernière partie de mes déviances tout à l'heure, je me repose un peu avant ;-)<br /> D'ici là bon dimanche à ceux qui passeront par là !
D
On a tous un truc qui coince, un vieux reste d'ombre de l'enfance, une parole incomprise, une peur qui nous étouffe, un geste d'un adulte qui s'est attardé où il ne fallait pas, un fantôme mort avant nous ou encore un ancêtre dont on porte le poids de la culpabilité ! Mais rien n'est impossible à vaincre. Faire la lumière sur les ombres du passé, éclairer chaque recoin du plus profond de nous c'est construire un nouveau futur, alors seulement la vie prendra tout sa couleur.
S
ah ! Dyad... ça fait du bien de lire ton message.<br /> j'aurais vraiment envie de te croire et certainement si j'avais eu 16,17 ou même 20 ans je t'aurais cru mais désormais avec le recul et tout ce qui s'est passé par la suite, j'ai bien été obligée de reconnaître qu'il y avait qqc qui n'allait pas chez moi. il y a un truc de "tordu" à l'intérieur surtout depuis cette époque là mais déjà présent à l'enfance comme en germe... je sais pas pourquoi... :-(
D
Le problème vient de toi...! Ou bien, n'as-tu pas reçu en pleine figure un claque de ceux qui pensaient à ta place? Tu as attendu ce corps changeant qui ne vennait pas, tu l'as souhaité en secret, tu as rêvé fort au point d'en pleurer d'injustice de ne pas avoir ce que te copines venaient d'être dotées ! Et lorsqu'enfin il est venu, tout naturellement tu t'es laissée aller à vouloir toi aussi à jouir du regard désireux des autres ! Quoi de plus naturel de vouloir éprouver ce que la nature t'interdisait alors qu'elle en avait fait cadeau aux autres !! Alors tu as voulu peut être trop rapidement être belle et cette enfant même pas encore adolescente, à en toute innocence été trop vite, trop sensuelle, trop du trop... et le regard des autres s'est fait censure, au regard de la jalousie, et du mépris face encore une fois à la différence ! Car de nouveau tu étais encore différente ! Est-ce vraiment de toi que vient le problème ? non je ne le crois pas !
E
" La minorité a toujours raison ." Phrase dont je ne me souviens pas de l'auteur et de l'origine ... <br /> <br /> oui la plupart des gens s'adaptent rapidement car ceux qui ont pas eu les bons gênes et bah on les a mis au toilettes et on a tirer la chasse d'eau ... <br /> <br /> donc le faite que les autres s'adaptent n'est pas un argument . vraiment .
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