Braderie
« Tout comme le libéralisme économique sans frein, et pour des raisons analogues, le libéralisme sexuel produit des phénomènes de paupérisation absolue. Certains font l’amour tous les jours ; d’autres cinq ou six fois dans leur vie, ou jamais. Certains font l’amour avec des dizaines de femmes ; d’autres avec aucune. C’est ce qu’on appelle le « loi du marché ». (…) Les entreprises se disputent certains jeunes diplômés ; les femmes se disputent certains jeunes hommes ; les hommes se disputent certaines jeunes femmes ; le trouble et l’agitation sont considérables. » (Extension du domaine de la lutte, M.Houellebecq)
« Elle désire me parler de mes livres, de ma vision de l’amour, établir entre nous une amitié, etc., mais moi cela ne m’intéresse pas. Cela me captiverait s’il y avait aussi la sensualité, la complicité des peaux. (…) La métaphysique du cœur n’est pas ma tasse de thé. » (Les soleils révolus, G.Matzneff)
« Moi la dragouille qui traînasse, un pas en avant deux pas en arrière, tout ça, on s’appelle, on se prend un café, ça me laisse froid. Je ne comprends pas les gens qui ont besoin de se jauger, de se tourner autour, de se renifler le cul pendant des semaines. Avec moi, faut se donner à fond, sans chichi, sans pudeur, avec l’envie, putain l’envie ! (…) Je m’en fous, moi, qu’elle pense à moi, la fille, ce que je veux, moi, c’est que quand elle vient me voir, elle ait envie, bordel, envie de me voir, envie de moi… » (La patience des buffles sous la pluie, D.Thomas)
Les orifices des femmes sont, depuis toujours, un bien marchand comme un autre. Les hommes l’ont longtemps exploité pour leur compte avant que les propriétaires puissent, par la suite, les louer, pour leur propre bénéfice.
On appelle prostituée, pute, péripatéticienne, tapineuse, fille de joie ou encore « travailleuse du sexe »…, ces femmes qui vendent du (leur) sexe aux hommes.
Du sexe contre de l’argent.
C’est finalement aussi ce que bon nombre de femmes au foyer, surtout des générations précédentes, ont pratiqué dans le cadre légal que représente le mariage. Remplir le devoir conjugal pour avoir, au minima, un toit au-dessus de leur tête et se nourrir. Les termes du contrat.
Aujourd’hui, les femmes n’ont plus, dans leur grande majorité, besoin des hommes pour se loger ou manger. Pourtant les termes de l’économie n’ont pas beaucoup changé. Le sexe reste la monnaie d’échange. L’enjeu.
Non plus pour remplir le frigo ou payer le loyer, mais pour les aimer, les protéger, les soutenir. Leur dire qu’elles sont belles, leur parler, les appeler, les comprendre, les accompagner, les sortir.
Du sexe pour avoir quelqu’un à ses côtés.
Les besoins primitifs sont dépassés mais demeurent les besoins « d’estime » et « d’accomplissement » du haut de la pyramide de Maslow. Le 10e besoin fondamental sur les 14 définis par Virginia Henderson, « vivre pleinement ses relations affectives ».
Et pour cela, les femmes ne peuvent toujours compter que sur leurs bons vieux orifices qui demeurent le seul appât, le seul véritable attrait valable. Et tous les beaux discours, l’évolution des mœurs et l’émancipation n’y ont pas changé grand-chose… Nos pensées, opinions, goûts, notre être, notre âme, notre cœur ne pèsent pas bien lourd face à ces toujours aussi convoités réceptacles phalliques. Une fellation vaudra toujours mieux que toutes les conversations aussi passionnantes soient-elles. Le reste n’est que détail sans grande importance, de simples accessoires, gênants pour certains agréables pour d’autres mais jamais indispensables ou déterminants. L’essentiel est ailleurs.
Espérer intéresser ou retenir un homme en l’éblouissant par sa personnalité est une naïveté de jeune-fille rangée.
Les hommes, plus indépendants par nature et n’hésitant pas à acheter ces orifices au besoin, mènent invariablement le jeu. Ce sont les femmes qui continuent d’avoir besoin des hommes, pas l’inverse. Ce sont les femmes qui se lamentent des jours et des nuits durant, devant leur indifférence, leur absence, leur manque d’attention. Ce sont les femmes qui continuent d’attendre les hommes. Pendant ce temps, ils sortent, s’amusent, profitent de la vie, voyagent, vivent l’aventure. Insouciants et libres. Les peines, la douleur du manque de l'autre n’ont pas de réelle prise sur eux, elles les éclaboussent à peine avant de glisser le long de la paroi minérale de leur cœur.
Le choix n’existe pas : c’est céder ou rester seule. Céder ou se morfondre de solitude et de désespoir. Céder dans n’importe quelles conditions, même si l’envie n’y est pas ou pas encore.
Céder ou perdre celui que l’on veut retenir, garder, aimer.
Chantage affectif versus chantage sexuel tacite.
Nous serons si vite remplacées par une autre qui fera moins de manières.
Etre une « fille facile », tel est le critère indispensable aujourd’hui si l’on veut rester monnayable sur le marché.
Demander de l’attention, du temps de cerveau disponible aux hommes, platoniquement, relève de l’hérésie commerciale.
Il est bien loin le temps où accepter une sortie voire une danse ou le summum : un chaste baiser, une main qui effleure l’autre étaient considérés comme des faveurs.
Les filles, femmes qui se font désirer n’attirent plus personne ; personne ne se fatiguera à les séduire, les conquérir. Faire attendre ne fait plus partie des mœurs. C’est tu baises ou tu te casses. Marche ou crève. Non négociable.
Il faut écarter vite et bien et offrir en supplément les prestations qui sont désormais attendues de plein droit puisque toutes le font sans rechigner, et de plus en plus jeunes.
Accorder toutes les demandes, les « gâteries », ne pas être effarouchée ou pudique sur quoique ce soit. Etre performante au lit. Donner satisfaction pour fidéliser.
La plupart des femmes modernes, "libérées" s'accomodent très bien de cette donne et y sont même réceptives, éprouvant les mêmes désirs sexuels. Mais alors celles qui tardent, chipotent, refusent, deviennent des produits délaissés, obsolètes, périmés. Stock encombrant et inutile qu’il faut évacuer. A mettre au rebut.
Quelles que soient ses qualités, il n’y en a pas de supérieure à celle d’être un objet sexuel consentant, docile et enthousiaste (« aimer ça »).
En système libéral, de concurrence pure et parfaite, c’est la guerre des prix, la plus meurtrière, qui prédomine. Il faut baisser les prix, encore et encore. Se brader. Mondialisation oblige (aujourd'hui on va même chercher des "produits" plus compétitifs en Russie ou en Thaïlande).
Réduire les exigences encore et toujours, oublier la romance et les attentions voire même le simple respect.
Je ne sais pas si je suis prête à me brader ainsi aussi grand soit mon désespoir…