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5 septembre 2009

Fille perdue, cheveux gras (3)

(suite du texte Fille perdue, cheveux gras)

Je me souviens de sa fougue d’autrefois, son énergie indéboulonnable. C’était une amie. Du monde d’avant.
Celui des copies-doubles quadrillées et des garçons en scooter et barbourgs. C’était une confidente, une alliée, une donneuse de fous-rires, une remonteuse de morale, une prépareuse de salades composées et de punch avec invariablement trop de rhum. J’admirais sa détermination, ses réserves d’optimisme, son bagout pour obtenir des invitations VIP dans les concerts ou rentrer dans tous les lieux select de notre petite ville provinciale.
Quand on lui demandait « sa profession », elle ne répondait jamais « lycéenne », trop bas de gamme à son goût, mais « hôtesse », « organisatrice d’évènements » (elle distribuait des tracts de soirées et possédait ainsi une certaine indépendance financière  que je lui enviais considérablement, mortifiée de devoir mendier de l’argent à mes parents pour toute chose) ou encore même « journaliste » (on ne sait comment mais elle était parvenue à se procurer une carte de « correspondante de presse » après avoir eu une aventure, semble-t-il, avec un reporter du journal local). Elle appelait sa chambre un « studio » et économisait soigneusement sur son Livret d’épargne logement chaque centime qu’elle gagnait pour s’acheter son appartement parisien (avec terrasse) à Saint sulpice.
Elle avançait dans la vie, toujours avec cette belle assurance communicative même si toujours teintée de condescendance. Une défense probablement mais qui lui valait les moqueries et de façon générale l’inimitié des clans des classes.
Comme moi, elle était marginalisée mais elle faisait sa vie hors du lycée.

Elle séduisait. Beaucoup. Pas les plus beaux, pas les plus brillants. Mais elle n’était pas du genre difficile.
Elle avait besoin d’être aimée avant tout. Un avantage certain sur ceux qui, comme moi, ont besoin d’aimer d’abord. Ce qui est hélas plus difficile…
Elle aimait les garçons, les hommes. Elle aimait toutes les choses qui lui faisaient et qu’elle me racontait parfois les w-e quand je restais dormir chez elle, sous le feu de mes questions. J’aimais sa façon, naturelle et spontanée, de me raconter ses étreintes sauvages sur des sols froids de garage ou dans les toilettes des lycées. J’aimais qu’elle me raconte comment elle dégrafait les boutons, faisait glisser les fermeture-éclair, les appétits insatiables, ses yeux crépitants, son large bassin de « bouteille d’orangina » comme elle le qualifiait qui ondulait de plaisir, et cette chaleur qu’elle dégageait. Elle me semblait si vivante. Son incandescence charnelle et sa candeur enfantine avaient quelque chose de fascinant. A l’image d’une Marilyn Monroe, son idole, dont les posters habillaient ses murs d’adolescente.
Chaque semaine, elle me présentait le nouveau chevalier servant du moment, étudiant ingénieur boutonneux ou rude apprenti-chaudronnier. Ils parlaient peu en général mais échangeaient avec elle de longues roucoulades mouillées devant leurs cafés et cocas (et mes yeux mi-gênés mi-curieux).
Parfois j’essayais de comprendre ce qui pouvait bien l’attirer chez ces êtres insipides aux traits grossiers. Elle ne savait pas me l’expliquer en général. Et ne le cherchait pas d’ailleurs.
Elle hésitait : « il est gentil…, il est loyal », voici les qualités qui suffisaient à l’embraser. Quelle chance elle avait ! Elle se sentait bien avec eux, voilà tout. Au moins le temps que durait l’idylle, une nuit, quelques jours ou mois…
Ce n’était peut-être pas la passion brûlante mais son cœur s’en accommodait très bien. Il n’avait pas la consistance visqueuse et larmoyante du mien se désespérant, déjà, de ses amours impossibles…
Non, son cœur à elle était agile et élastique, libre et aventureux. Il se laissait porter, emporter là on voulait bien l’emmener… Il ne s’attardait pas sur des visages inaccessibles, il oubliait aussi vite qu’il avait aimé. Au suivant !

(texte à suivre)

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Commentaires
S
désolée du petit délai de réponse...<br /> pas mal de choses... oui ces chansons pourraient être la bande son, j'essaie de dresser le portrait d'une amie et je me rends compte que c'est loin d'être évident !<br /> bonne journée et par avance un bon we !
P
cette portion de texte me fait penser à deux chansons:<br /> "Aimer est plus fort que d'être aimé" de Balavoine<br /> "Au suivant" de Brel<br /> Je pense que ces deux chansons résument bien les extrêmes de la situation, mais la vie est souvent bien moins "simple" et constituée d'un savant mélange d'amour et de frustration...<br /> Il est assez difficile pour la plupart des gens d'aimer dans l'absolu... on aime du concret!<br /> En l'attente de la suite...<br /> phil
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