L’amour est mort, vive le cynisme !
« Et Lucie subitement découvre que les mots tendres ne sont qu’un voile trompeur sur le corps bestial de la grossièreté. Et l’univers entier de l’amour s’éboule devant elle et glisse dans la vase du dégoût. » (La plaisanterie, Milan Kundera)
- A quand remonte ta dernière relation ?
- Heu… Y’a un moment déjà… (est-ce que le fait de « juste » tomber follement amoureuse compte dans la définition de « la relation » ?)
- 2 mois, 3 ?
- Heu… plus
- 6 mois ? ouille…
- Tu peux même compter en années…
- Quoi ?! Tu te fous de moi. C’est pas possible.
- J’ai bien peur que si…
- Tu veux dire que t’as rien fait depuis des années ?
- Rien fait. Oui voilà c’est exactement ça.
- C’est dingue.
- Oui probablement dingue j’imagine...
Ca prend du temps, en fait… de tomber amoureuse, de désirer quelqu’un. C’est un genre de petit miracle quand cela se produit. Les êtres ne me sont pas interchangeables. Ils sont uniques. Et rares Je ne change pas d’objet de fascination, d’affection, d’amour, comme on change de paquet de lessive. J’ai bien conscience que de nos jours cette approche peut paraître iconoclaste voire parfaitement incongrue ou même surréaliste.
Oublier, zapper, passer à autre chose : voici ce qu’ils, elles répètent avec leurs airs blasés. « Si tu rencontres une fille qui te dit qu’elle part en vacances pendant deux semaines, tu passes à une autre, pourquoi attendre alors qu’une autre sera dispo immédiatement ? »
Ne pas s’attacher, ne pas tomber amoureux(se), surtout pas. Ne pas se prendre la tête. Telle est ma génération. Tels sont les hommes.
Mais moi je n’oublie pas. Je cultive même, les souvenirs, les visages, les sourires, les mots. Je m’attache. Follement. Je me prends et je perds la tête. Je m’accroche, même (surtout) aux causes les plus désespérées. C’est certainement un grand défaut, mais je n’ai pas choisi d’être ainsi. Je subis. J’essaie de me modérer, de relativiser, de poser quelques airbags latéraux, d’encaisser les chocs sans trop me délabrer.
Mais je ne sais qu’être foudroyée ou lacérée.
C’est tout ou rien. Toujours ou jamais. Merveilleux ou tragique. Glacial ou brûlant.
Je suis le petit chaperon rouge qui cherche à s’attirer les faveurs du loup qui ne veut que la dévorer, derrière ses airs avenants. Je crois toujours que je pourrai changer le loup, l’apprivoiser, l’amadouer, le rendre plus tendre, plus doux, patient avec moi, mais tôt ou tard (en général très tôt d'ailleurs), je suis sa victime. Comme les autres.
Je n’ai pas leur cynisme pour affronter ce qu’ils appellent « un jeu » où l’on ne donne que pour mieux retirer, où l’on porte des masques, où les mots ne veulent rien dire, où tout n’est que feinte et esquive, simulacre et sables-mouvants.
Ils veulent la multitude et moi je n’en veux qu’un. Ils veulent s’amuser et moi je veux aimer. Ils veulent prendre et ne rien donner.
Pourquoi ne peut-on pas être juste « bien » ensemble ? Pourquoi quelque chose de simple devient infiniment compliqué… et si désespérément inaccessible.
L’amour ne signifie plus rien, l’amour est mort, ce n’est qu’un gadget pour filles trop naïves, pour adulescentes attardées, mièvres, rêveuse d’un autre âge, d’une autre époque bien révolue... L’amour est devenu tabou : il ne fait naître que sarcasmes et mépris sur leurs lèvres rieuses. Tout est à prendre chez eux, sauf leur cœur. Pourtant c’est lui que je veux…