Sous-sexuelle (2)
« La grande masse des femmes sont comme ça : la plupart veulent un homme, mais elles ne veulent pas le sexe, seulement elles s’en accommodent comme d’un mal nécessaire. » (Lady Chatterley, D.H Lawrence)
« (…) Les femmes, vous voyez, il faut s’en occuper, leur parler, avoir des attentions pour elle de temps à autre, les caresser souvent, se souvenir qu’elles existent, qu’elles sont vivantes, qu’on tient beaucoup à elle. C’est la seule thérapie. » (Habla con ella – Parle avec elle / P.Almodovar)
« Aimer corps et âme, toujours ensemble le corps obéissant à l’âme. » (Journal 1932, Anaïs Nin)
Mais quel homme voudrait d’un amour sans cuisses ni orifices ? Quel homme accepterait de ne pas répondre à l’appel impérieux et strident de la testostérone ? Quel homme pourrait comprendre que ce n’est pas ce que je recherche, que je n’ai aucune pulsion à satisfaire si ce n’est celle du cœur… Il me rirait au nez.
Froidement, méchamment.
Tristement, amèrement.
Il pensera que je me suis moquée de lui, que je l’ai trompé, que je le rejette dans sa virilité.
Incrédule, frustré.
Car « tout ce manège », « ce baratin », il ne les supporte sans doute que pour l’aboutissement, la concrétisation charnelle, soulager la rigidité qui le tourmente.
Mais pour moi « ce manège », ce « baratin » c’est tout le sucre, l’essence même d’une relation.
Le partage, l’échange du minuscule, le soleil d’hiver qui m’emplit et me ravit de sa lumière blanche et pure, un film, un livre qui lui ressemble…, et de la grande nouvelle. Ses sourires, ses mots, la chaude et douce complicité dans laquelle je me love comme un chaton roule sous les flancs de sa mère.
Pouvoir à tout instant tendre la main vers cette âme amie et aimante, en qui j’aurais toute confiance, savoir que mes émotions, mes pensées trouveront en lui une terre d’accueil bienveillante, compréhensive. Une terre où l’on parle la même langue que moi...
« Je veux te voir ». Je le veux aussi.
Les mots sont identiques mais les intentions qui se dissimulent entre leurs courbes divergent probablement.
Il se fait pressant mais son appel vient d’en bas.
Il ne me parle pas assez ou pas vraiment. Il fait juste la conversation et ses mots sonnent creux. Je suis en manque de mots venus de l’intérieur façonnés uniquement pour moi, en manque d’attentions, d’attentions vers mon être.
Je n’arrive pas à toucher autre chose en lui que le désir primitif. Je reste à la surface de son cœur. Seul mon corps, le visuel, l’image, l’apparence l’aimantent. Ces chemins contraires bientôt nous sépareront...
« Mais qu’attends-tu de moi ? »
Il ne comprend pas. Que c’est Lui que j’attends. Lui en tant qu’humain, qu’être-pensant, rêvant, riant. Qu’il me dévoile son âme, ce qu’elle abrite, ce qu’il cache dans ses réponses sibyllines, ce qu’il esquive maladroitement comme un enfant cherche à masquer une tendre bêtise (ce qui le rend charmant au demeurant).
Qu’il accepte de fusionner son âme à la mienne.
« L’amour », aurais-je pu répondre simplement. Et il pensera que je suis naïve et mièvre comme une chanson ou un téléfilm de TF1.
« Les temps changent, les rôles s’inversent mais la distance reste » se plaint-il.
La distance… Quelle distance ? Sans doute celle des corps.
Mais la plus grande distance entre nous c’est celle qu’il instaure entre nos cœurs. Et aucun rapprochement physique ne pourra jamais la rompre s’il s’y refuse.
Ses messages anémiques, froids et ternes, faits de date et d’horaires, d’indications pratiques, de questions basiques, de réponses « stricto-sensu » à mes questions me désolent, me glacent.
Je rêve d’un message « gratuit », sans raison particulière, juste le plaisir de m’écrire, de me faire signe, de partager un moment, une sensation, de me rappeler qu’il pense (lui aussi) à moi… Un message plein de couleurs et de malice, à son image.
Ne comprend-il pas l’importance de ces mots doux et brillants chuchotés à l’oreille, que c’est leur absence qui nous éloigne bien plus que ce rendez-vous que l’on n’arrive pas à fixer ? Ce dialogue qui doit sans cesse être maintenu, (r)avivé pour entretenir le feu de mon désir.
J’ai tellement faim de ses phrases, cette nourriture spirituelle pour tisser le lien, tresser les images qui le font vivre en moi à tout instant et me donneront envie de lui. Je souffre de cette trajectoire parallèle qu’il mène à la mienne. Besoin de points de tangente, de convergence… Pourquoi lui qui me presse (désormais) tellement de le revoir, n’éprouve-t-il pas ce besoin… élémentaire ?
« - J’ai rêvé de toi.
- Des rêves érotiques j’espère. »
Silence.
La réponse, les explications sont impossibles. Je déteste ce rôle de « mère la pudeur » que je dois endosser, ce rôle de fille qui déçoit, ce sourire que j’étouffe, ce visage contrit et sombre que je compose pour refroidir son ardeur enfantine. Devoir le réprimer, le réfréner, le "priver de dessert", alors que j'aimerais tant entrer dans son jeu, le rendre heureux, répondre à son désir, lui offrir tous les jouets dont il rêve… Mais la parole est dangereuse si elle n’est pas suivie des gestes. Nous ne sommes plus à l’âge de faire semblant, des royaumes imaginaires. Même si je suis restée cette enfant qui joue à être une femme…
Je ne veux plus me heurter à ce mur de malentendus et d’incompréhensions.
Mais comment révéler mon secret sans condamner la relation ?
Non pas celui de ma virginité qui pourrait l’attendrir, le flatter, puisqu’il semble que les hommes aiment être « les premiers » mais celui qui fait obstacle.
Celui qui a envie d’autre chose. Ma différence.
(à suivre...)