Celui qui avait des "amies" : une théorie
L'éducation sentimentale est, chez moi, un processus très long et très lent.
Il me faut des années, des décennies pour comprendre des faits simples mais néanmoins fondamentaux.
Des choses que l'on ne dit pas ou pas comme il faut, des choses que l'on n'apprend nulle part, à peine dans les romans. Des choses pas démocratiquement, politiquement correctes. Des choses que l'on ne peut apprendre que par l'expérience, que par le frottement à la vie, aussi irritant soit-il.
Je viens tout juste d'ajouter une nouvelle brique à l'édifice de ce douloureux apprentissage, après des années d'incompréhension, d'errement et de déception : les garçons, les hommes, l'espèce masculine -hétérosexuelle- ne peuvent pas entretenir de lien amical platonique avec une fille, une femme, c'est à dire moi, aussi harmonieuse soit leur entente.
Cela ne leur est physiologiquement, biologiquement pas possible. Loi de la nature, toujours.
Ils ne ressentent jamais cet espèce de flottement entre amitié, amour, tendresse, affection, fraternité qui fait que l'on a envie de partager des moments avec quelqu'un, du sexe opposé, sans pour autant franchir le pas de l'intimité physique, et d'en retirer néanmoins de grandes satisfactions.
Non, les hommes ne flottent pas. Ils savent ce qu'ils veulent : baiser ou pas.
Dans le premier cas, ils s'attarderont afin de pouvoir concrétiser leur inclinaison, consentiront alors à quelques efforts (conversations, petites attentions...) avant de disparaître, après une période plus ou moins longue (et ces temps-ci de plus en plus courte) en cas d'issue non concluante ou s'ils évaluent l'investissement (temps d'attente, dépenses
éventuelles en restaurants et autres rituels de séduction
traditionnels) supérieur au gain éventuel attendu en retour. Dans la seconde hypothèse, ils passeront tout simplement leur chemin. Les attraits purement intellectuels d'une femme ne sont pas de nature à retenir leur attention.
Ils ne voient tout simplement pas l'intérêt d'une amitié féminine qui peut même leur apparaître comme un affront lorsque celle-ci est proposée explicitement.
Dés lors, nous sommes condamnés à ne fréquenter et ne discuter qu'entre genres semblables.
La seule possibilité de mixité réside dans le groupe (composé souvent de couples déjà formés ou de célibataires prêts à chasser la première proie esseulée venue).
Même au XXIe siècle, les seules interactions possibles entre hommes et femmes restent le couple, au sens sexuel du terme.
Pourtant, il existe tout de même une espèce masculine, rare, qui entretient des amitiés féminines.
Une espèce suspecte dont j'ai désormais appris à me méfier, forte de mes "connaissances" durement acquises. J'ai tendance à le voir comme un mauvais signe, du moins lorsque je suis en situation de séduction potentielle avec ce specimen. Un homme "normalement constitué" n'a pas d'amies. Il n'a que des ex. La seule raison qui pourrait pousser un homme à accepter des "amies" est d'être habitué au rejet des femmes et donc d'accepter, par dépit ou par défaut, une relation amicale jusqu'à en général finir aussi par s'en lasser, rongé par la frustration, voire devenir le dernier des machos (situation vécue avec un ancien ami, originellement prétendant éconduit).
Pour quelle raison un homme et une femme deviennent-ils "amis" ? Lorsqu'il n'y a pas de désir réciproque entre eux (ou plutôt devrais-je dire quand la femme n'éprouve pas de désir pour l'homme, puisque ce dernier n'adresse pas la parole aux femmes qu'ils ne convoitent pas sexuellement). Pour ma part, j'envisage de devenir ami avec un homme quand je vois que je ne parviens pas à éprouver autre chose pour lui (99% des cas). En résumé, l'homme qui a des amies est rarement un "bon plan" pour parler crument.
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Suite :
Je me suis longtemps obstinée à vouloir entretenir des liens avec ceux que je n'arrivais pas à désirer. En vain.
Toujours cette dématérialisation, toujours cette disparition, ces évanouissements d'hommes sables.
Soudain le silence, l'absence, soudain il n'était plus là pour moi. Comme si je n'avais jamais existé. Comme si j'avais rêvé. Je restais interloquée, pétrifiée avec cette douleur de la trahison, de l'orpheline abandonnée. L'humiliation d'être soudain ignorée, méprisée comme un bête objet devenu inutile, encombrant, périmé.
Je pensais représenter quelque chose, avoir creusé une petite place, même infime, dans leur mémoire et je réalisais qu'en fait je n'étais rien et que toute cette complicité que j'avais cru voir, ressentir n'était que simulacre de la testostérone. Je croyais être une âme unique et singulière, je croyais à un attachement et je n'étais que vagin interchangeable.
J'ai longtemps cru que j'étais coupable, que je n'étais pas digne d'un intérêt durable autre que celui d'un objet sexuel, et puis tout récemment j'ai eu cette "révélation" qu'en réalité cela ne venait pas de moi. Que je n'étais pas responsable, pas en cause. Peut-être pour me rassurer, m'apaiser (et cela a parfaitement fonctionné)...
Ce constat lucide sur l'impossibilité de lien entre un homme et une femme, autre que le lien sexuel, pour la raison que les hommes n'en cherchent pas d'autre. Parce que c'est dans leur nature, leur mode opératoire habituel, leur fonctionnement intrinsèque. C'est "tu veux" ou "tu veux pas".