Huis clos (1)
Le passé revient me hanter régulièrement, probablement parce que le
présent s'amincit chaque jour un peu plus... L'esprit, par un mécanisme
instinctif de survie visant à se nourrir, alimente alors ses pensées en
puisant dans ses archives. Ces vieux dossiers jamais vraiment classés, juste fourrés maladroitement au fond d'un tiroir fermé à double tour. Il ressort ces cadavres du placard pour une énième autopsie.
Je me suis ainsi souvenue récemment d'un épisode
me replongeant dans cette même pétrification glacée qui m'avait saisie
à l'époque.
Cette fin d'année dans les années 90, un peu
particulière puisqu'elle couronnait l'apogée d'une époque, celle d'un
cycle scolaire et puis aussi d'une certaine façon l'adolescence. Même
si elle commençait en réalité d'une certaine façon pour moi, suite à ma
transformation pubère tardive et son cortège de désordres
hormonaux et séborrhéiques que mes condisciples commençaient à laisser
derrière eux. Eternel décalage...
La "dernière année". La terminale, comme son nom
l'indique. Oui, je me sentais en effet en phase terminale à cette époque.
J'avais
réussi, au fil de ses trois ans de lycée, à élever autour de moi des
murailles d'hostilité dont je ne soupçonnais pas encore toute la taille
et l'épaisseur. Tous mes rêves aux couleurs high-schools de petit
écran enterrés depuis longtemps. Je ne serai définitivement jamais une
Kelly Kapowski*. Le gong ne m'avait pas sauvée... Vivant comme un
protozoaire, j'essayais de passer le plus possible inaperçue, dans un
état de recroquevillement quasi absolu.
Mon seul espoir était de pouvoir m'échapper de ce supplice sans plus de dommages et d'humiliations.
Hélas j'en demandais encore trop...